Une approche artistique des enjeux des biens communs

Un poème lu par une mère devant l'Assemblee générale des Nations Unies

Pays en voie de disparition : une jeune poétesse fait comprendre l’urgence à l’ONU

Le poème sur le changement climatique qui a... par rue89

Kathy Jetnil-Kijiner est une jeune artiste des îles Marshall. Elle a été choisie par l’ONU pour livrer un discours mardi en ouverture de l’Assemblée générale consacrée au changement climatique. Elle est ensuite descendue de la tribune pour lire, ou plutôt slammer, un poème écrit pour sa petite fille de 7 mois. Nous avons traduit son poème dans la vidéo ci-dessus : il commence à 2’40’’ et vous devez activer les sous-titres pour avoir la traduction (« CC subtitles », puis « FR »).

A la fin du poème, l’ensemble des participants se sont levés, certains émus aux larmes, selon les Nations unies.

Source: http://rue89.nouvelobs.com/zapnet/2014/09/25/pays-voie-disparition-comme...

« Ma chère Matafele Peinam,

Tu es un soleil levant de 7 mois aux sourires tout en gencives,

chauve comme un œuf et chauve comme le Bouddha.

Tu as le tonnerre dans les jambes, les éclairs dans tes cris,

tu adores tellement les bananes et être dans mes bras, et

quand nous marchons toutes les deux au matin le long du lagon.

Ma chère Matafele Peinam,

il faut que je te parle de ce lagon,

de ce lagon lucide et tranquille qui paresse sous le soleil levant.

Il est des hommes qui disent qu’un jour

ce lagon viendra te dévorer,

ils disent qu’il rongera la plage,

viendra mâcher les racines de nos arbres à pain,

engloutira les digues l’une après l’autre,

et finira par broyer les os en miettes de ton île bien-aimée.

Ils disent que toi, ta fille

et ta petite-fille aussi,

vous errerez sans racines,

avec un passeport comme seule maison.

Ma chère Matafele Peinam,

ne pleure pas,

Maman te promet

que personne ne viendra te dévorer,

que nulle entreprise massive ne s’avancera en requin dans les eaux politiciennes,

qu’il n’y aura pas de négociations secrètes,

pas d’entreprises pour imposer leur loi

avec leur absence de morale,

que nulle bureaucratie aveugle ne poussera

cette mère océan par-dessus bord.

Personne ne se noiera, mon bébé,

personne ne partira,

personne ne perdra sa terre natale,

personne ne deviendra un réfugié climatique,

ou, devrais-je dire,

personne d’autre.

Aux habitants des îles Carteret de la Papouasie et la Nouvelle-Guinée

et aux habitants des îles Taro des Fidji,

je profite de ce moment

pour vous faire nos excuses.

Et nous n’accepterons plus rien,

parce que, mon bébé, nous allons nous battre,

ta maman, ton papa, papi, mamie,

ton pays et ton Président aussi,

Nous allons tous nous battre.

Et bien que certains dans leur tour d’ivoire

font comme si nous n’existions pas.

Comme si les îles Marshall, Tuvalu, Kiribati, les Maldives,

le typhon Haiyan aux Philippines,

les inondations au Pakistan, en Algérie, en Colombie,

tous les ouragans, les tremblements de terre, les raz-de-marée,

n’existaient pas.

Malgré ceux-là, il en est d’autres qui nous voient,

les mains tendues,

les poings levés,

les banderoles déployées,

les mégaphones résonnant.

Et nous sommes

les canoës qui bloquent les charbonniers.

Nous sommes

le rayonnement des fermes solaires.

Nous sommes

le sol riche et sain du fermier d’antan.

Nous sommes

les pétitions qui naissent dans les mains d’adolescents.

Nous sommes

les familles qui pédalent, recyclent, réutilisent,

les ingénieurs qui rêvent, conçoivent, construisent,

les artistes qui peignent, dansent, écrivent.

Nous faisons passer le mot

et ils sont des milliers dans la rue,

à défiler avec leurs panneaux,

main dans la main,

réclamant le changement MAINTENANT

Ils marchent pour toi, mon bébé,

ils marchent pour nous.

Car nous méritons mieux que de simplement

survivre.

Nous méritons

de vaincre.

Chère Matafele Peinam,

Tes yeux sont lourds

sous le poids du sommeil

donc ferme-les mon bébé

et dors en paix.

Car nous ne te laisserons pas tomber,

tu verras. »